Contexte historique

Du bouleversement individuel lié au diagnostic de maladie génétique rare … aux conséquences familiales

La découverte d’une maladie rare, pour un individu ou l’un de ses enfants mineurs, représente un bouleversement majeur dans sa vie et celle de son entourage. Par ailleurs, la majorité des maladies rares s’inscrit dans un contexte génétique, le plus souvent héréditaire, avec une possible extension à d’autres membres de la famille. Une partie du patrimoine génétique est partagée par différents membres d’une même famille, les connaissances sur les causes génétiques de la maladie de la première personne diagnostiquée (« cas index ») peuvent donc avoir un intérêt pour sa parentèle. En effet, certaines maladies génétiques, si elles sont dépistées suffisamment tôt, peuvent bénéficier de soins spécifiques ou de mesures de prévention ou encore du recours au conseil génétique, au diagnostic prénatal ou préimplantatoire.

Une loi de bioéthique en évolution

Cette spécificité de l’information et son intérêt pour la parentèle ont conduit le législateur à faire évoluer le cadre de la loi de bioéthique, en ce qui concerne les tests génétiques à visée diagnostic : Dans la loi de bioéthique de 1994, l’information de la parentèle n’était pas une obligation mais faisait partie des bonnes pratiques. Une première modification de la loi en 2004 a conduit à la notion de droit de la famille d’être informée d’une maladie grave avec possibilité de prévention, et donc d’un devoir moral pour les malades d’informer leurs proches. En 2011, le législateur a tranché et a défini plus explicitement encore un devoir d’information des membres de la famille, quand il s’agit d’une maladie grave si un traitement ou une prévention peut être mis en place, ou si un conseil génétique peut être proposé. En premier lieu et chaque fois que possible, c’est au patient d’informer les membres de sa famille. Le législateur a cependant complété le dispositif par le possible recours au médecin prescripteur pour informer la parentèle, dans le respect de l’anonymat. La délégation aux professionnels de l’information de la parentèle, bien que possible, est peu plébiscitée en raison du caractère désincarné et anonyme de la procédure. Il y a donc depuis 2011 une obligation légale d’information familiale.  

C’est donc dans ce contexte particulier de maladies chroniques, souvent invalidantes, qu’intervient cette obligation d’information familiale faite aux malades recevant un diagnostic de maladie génétique. Ainsi il parait plus que souhaitable d’accompagner le malade et/ou ses parents dans cette démarche d’information familiale, sans lui en cacher ni les difficultés, ni les conséquences familiales potentielles.

Une information de la parentèle sous double contrainte

Plusieurs paramètres entrent en jeu dans la mise en place effective d’informer ou non ses proches d’un risque familial vis-à-vis d’une maladie génétique rare. Le patient qui doit jouer le rôle d’informateur est, bien souvent, lui-même en situation de fragilité à la suite de l’annonce de sa maladie. Il est en plus confronté à un dilemme : le souhait de fournir à l’informé (son apparenté) des informations pouvant lui être utiles notamment d’un point de vue médical est mis en balance avec le désir de le protéger d’éventuels préjudices liés à l’information dévoilé : « à qui le dire ? », « que dire ? » et « quand le dire ? » sont des questions omniprésentes pour le patient.

Une information familiale complexe dans ses conséquences et ses déterminants

Les patients perçoivent généralement l’intérêt théorique d’informer leurs proches, imaginant pour certains, une information génétique de la parentèle (IGP) « idéale », à la fois efficace et non délétère pour les liens familiaux.

 Malheureusement les expériences qui nous sont rapportées de patients ayant eu à faire une IGP montrent qu’ils peuvent rencontrer des difficultés à la faire : l’IGP peut se révéler inefficace (information non transmise, déni de la part de l’informé, …) ou délétère (informateur perçu comme oiseau de mauvaise augure, tensions intrafamiliales, …), voire même les deux à la fois. Ces difficultés, rapportées par des malades informateurs d’une IGP semblent inégalement perçues par les généticiens qui s’inscrivent dans une perspective de santé publique.

Plusieurs études ont été réalisées autour de l’information familiale, soulignant la complexité de sa mise en place. Mais ces recherches concernent quasi exclusivement le champ de l’oncogénétique et à ce jour, très peu d’études portent sur des maladies génétiques rares.

L’objectif de notre projet de recherche IGPrare est de comprendre les circonstances et mécanismes susceptibles de générer les difficultés dans la réalisation de l’IGP, afin d’élaborer des solutions d’amélioration adaptées aux différents types de difficultés rencontrées.